Editorial Voie Etroite N°239
Août-Septembre 2010
Remise en tête et autres pratiques…
Chacun sait, même s’il n’a pas connu cette époque, que les trains, autrefois, étaient tractés par des locomotives à vapeur ; puis vinrent les engins électriques et à moteur Diesel. Mais, dans tous les cas, lorsque le train arrivait au terminus, il fallait effectuer une remise en tête soit avec la même locomotive (cas des petits parcours), soit avec une nouvelle machine. Cette opération était assortie de manoeuvres pénalisantes en temps et en main d’oeuvre ; aussi, pour les éviter, l’on mit en service des rames réversibles d’abord sur les lignes de banlieue (y compris en traction vapeur) ; puis vinrent les automotrices électriques et les autorails. Il suffisait alors, au terminus, pour le conducteur de “changer de bout”. Plus récemment apparurent les rames réversibles de type Corail ou V2N aptes à rouler à 160 km/h quel que soit le sens de marche. Une autre situation nécessitait un “échange traction” lorsque le train devait passer d’une section électrifiée à une autre qui ne l’était pas et inversement. Depuis quelques décennies, l’on s’oriente vers le tout automotrices avec les rames TGV d’abord puis, de plus en plus, avec toutes sortes d’engins électriques et thermiques (parfois bimodes) à deux cabines de conduite. Les rames tractées nécessitant les manœuvres au terminus sont donc appelées à disparaître dans un bref avenir. Actuellement, en Picardie, par exemple, il est encore possible d’assister à des remises en tête à Laon, St-Quentin et Amiens, gare où ont encore lieu des échanges traction pour la ligne vers Boulogne et retour (BB 15000 et BB 16000 avec BB 67400). Donc, dans ce domaine également, les chemins de fer touristiques jouent et joueront un rôle primordial dans la sauvegarde du patrimoine et des pratiques qui lui sont liées. Ainsi, les jeunes générations pourront découvrir au terminus une locomotive abandonnant son train, évoluant sur une voie d’évitement pour venir se remettre en tête à l’autre extrémité, sous les regards attentifs et souvent intrigués des voyageurs surpris, par ailleurs, de voir un engin de plusieurs tonnes venir accoster en douceur leur train. Quant aux échanges traction, s’ils sont rares sur les chemins de fer touristiques, ils sont pratiqués régulièrement sur le P’tit train de la Haute Somme où, en gare de Cappy, la locomotive à vapeur qui a tracté le train depuis le musée cède sa place à un locotracteur Diesel qui va l’acheminer au terminus de Dompierre ; il va sans dire que ces différentes manoeuvres constituent une animation très appréciée des voyageurs. Décidément les chemins de fer touristiques n’ont pas fini de nous étonner jusque dans la mise en oeuvre de pratiques qui bientôt ne seront plus qu’un souvenir sur le grand réseau ; les bénévoles qui les animent sont donc bien, dans ce domaine aussi, de véritables conservateurs du patrimoine.
Jacques Lefèvre