Editorial Voie Etroite N°282

Octobre - Novembre 2017

Toujours plus...

Dans le monde économique, donc dans le tourisme également, il est de coutume d'annoncer une progression du chiffre d'affaires, donc de la fréquentation. Nous laisserons volontairement de côté les mauvaises années et faisons confiance aux organismes d'Etat pour en étudier les causes au niveau national. Dans le ferroviaire, dans le cadre du service public subventionné, il est impératif de prouver le bien fondé des aménagements financés par la collectivité en annonçant une progression systématique et immédiate. Ce peut être en qualité de service (fiabilité) mais surtout en fréquentation globale puisqu'il s'agit, dans ce cas, de développer le transport collectif au bénéfice de tous. Peu importe si la solution retenue consiste à doubler les circulations (plus la grille est remplie, plus c'est pratique, donc fréquenté) pour annoncer au final + 20 % : on a fait plus, toujours plus, c'est le principal ! Le bilan économique ne sera présenté que plus tard…
En ferroviaire touristique, on entre dans le domaine des loisirs et le problème est tout autre : doit-on faire toujours plus ? Le ministre du Tourisme aurait tendance à répondre oui, lui qui place la France sur la première marche du podium mondial ; mais en a-t-on les moyens ? Est-ce économiquement viable ? Dans les exploitations non professionnelles gérées par des passionnés, la question elle-même surprend la plupart des bénévoles car l'important à leurs yeux c'est de faire rouler des trains… et de se faire plaisir ; s'ils sont pleins, tant mieux. Adoptant les méthodes du service public, il est donc tentant dans le cadre du “toujours plus”, de multiplier les circulations et les jours d'ouverture ; puisque le personnel est bénévole et se rend disponible pour son plaisir. Cette option devrait théoriquement générer plus de clients sauf que le bilan économique d'un tel choix risque d'être dégradé, tout simplement à cause des frais d'exploitation et de l'usure du matériel historique qu'il faudra réviser plus souvent. Mais les acteurs disponibles étant souvent moins nombreux qu'envisagé le jour J, il va peut-être falloir engager 1 ou 2 saisonniers salariés pour compléter l'équipe. Dans les exploitations semi-professionnelles, où il s'agit parfois de gérer l'affluence des pointes avec la mise en marche de rames supplémentaires, la question peut malgré tout se poser : toujours plus (de trains et donc de frais) ou recherche d'un équilibre dépenses/recettes, quitte à décevoir quelques clients ; les financements publics pour le fonctionnement n'étant pas systématiques.
Qui ne progresse pas recule…Dans nos exploitations historiques, qui fonctionnent grâce à la passion, le “toujours plus” peut sûrement se trouver ailleurs, dans la rubrique développement et préservation du patrimoine, lequel mérite aussi d'être aidé par les collectivités qui profitent des retombées économiques que nous générons ; le débat est ouvert…

Alain Blondin

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