Editorial Voie Etroite N°322
Juin - Juillet 2024
Quelle vision pour le patrimoine ?
Préserver le patrimoine ferroviaire national, qu'il s'agisse de matériel roulant, de documentation, d'objets du quotidien des cheminots, de la mémoire tout simplement, c'est le combat perpétuel des nombreuses associations, et de leurs bénévoles. Un combat, car rien n'est jamais gagné d'avance. Des décisions administratives ou politiques, parfois pour le moins surprenantes, peuvent mettre à mal des années de labeur, là où le travail est fourni de façon totalement désintéressé pour préserver un patrimoine commun, tout simplement.
Parfois bien sûr, de bonnes décisions sont prises. Le déménagement du matériel roulant jusqu'alors abrité dans la rotonde de Mohon a permis la mise à disposition au bénéfice de plusieurs associations, bien souvent d'ailleurs dans la région d'origine du matériel concerné. La remise en service de ces matériels ne sera pas à la portée de tous les heureux hôtes. Espérons au moins que dans l'attente la conservation se fera dans de bonnes conditions.
Abriter le matériel roulant est un des défis à relever. Et plus l'écartement est grand, plus le challenge est conséquent, sans parler de pouvoir rendre ces véhicules visitables dans un musée. Interrogé récemment au P'tit train de la Haute Somme sur le sujet d'un musée des transports urbains en région parisienne, force est de constater que Paris fait toujours partie des rares capitales à ne pas disposer d'un musée digne de ce nom. L'AMTUIR, qui œuvre en ce sens depuis 1957, dispose d'une collection unique qui mériterait une large visibilité. Et pourtant depuis le déménagement à Chelles en 2007, aucun projet n'a abouti. Heureusement, un musée provisoire est quand même visitable régulièrement.
La circulation des matériels historiques sur le réseau national est également un sujet récurrent d'inquiétude. Malgré la signature de conventions censées faciliter l'accès au réseau, la pérennité de ces circulations est souvent mise à mal. C'est justement un sujet d'actualité brulant pour plusieurs associations de la région parisienne.
Alors, quel patrimoine voulons-nous ? D'ailleurs y a-t-il plusieurs patrimoines ? Le patrimoine technique semble bien souvent en France être le parent pauvre du patrimoine. D'autres pays en ont une vision tout à fait différente. L'économie générée par les activités de muséographie ferroviaire active est conséquente et ne demande qu'à se développer. Le secteur mériterait que certains mécènes s'y intéressent un peu plus et que ses activités soient facilitées en usant du bon sens plutôt que de faire parfois face à une frilosité administrative locale issue de dirigeants méconnaissant le sujet. C'est bien sûr en premier lieu le travail des structures de préservation elle-même de porter ces messages. Et plus on est nombreux...
David Blondin