10e Rencontres internationales des C.F. à voie étroite
6-7-8 octobre 2000 - P'tit train de la Haute Somme (F)
REFLEXIONS SUR LES REGLEMENTS ET LA SECURITE
Je voudrai d’abord remercier Tony Tomkins pour la très intéressante étude qu’il vient de nous présenter et plutôt me livrer à quelques réflexions sur les règles et les comportements de sécurité.
Je fréquente les " petits trains " depuis maintenant 20 ans comme voyageur mais surtout comme exploitant et ce que j’ai pu vivre m’a souvent réjoui, parfois étonné et hélas quelque fois inquiété.
L’étude de Tony Tomkins montre que la sécurité a progressé grâce à la technique qui fait moins d’erreurs que les hommes, et surtout que les règles sont un élément primordial de la sécurité. Mais pas seulement les règles, il faut aussi une volonté.
Que nous soyons entrepreneurs, à la tête d’une société, membre d’une association ou simplement collectionneur, nous sommes tous des passionnés et vivons le chemin de fer différemment de nos hommes politiques ou des dirigeants des grandes compagnies.
Nous faisons fonctionner des chemins de fer simples avec des moyens souvent sommaires. La plupart d’entre-nous transportent des voyageurs ou rêvent d’en transporter. Même si cela procure des rentrées d’argent significatives, cela génère aussi bien des frais, parfois supérieurs aux rentrées et le transport de voyageurs ne provoque pas forcément l’aisance financière.
Ainsi l’équipement de notre matériel et de nos infrastructures avec tous les développements techniques de sécurité tels que le comptage d’essieux, le bloc automatique, le frein continu sur les trains, un système à " homme mort " sur les engins pour ne pas parler d’un contrôle de vigilance sont pour nous financièrement souvent hors de portée …à supposer que tous les problèmes techniques soient réglés !
Ce qui ne veut pas dire que nous ne pouvons ou devons pas essayer d’avancer dans cette direction même si les tenants purs et durs de " l’état d’origine " ceux que nous appelons les " compteurs de rivets " vont crier à la profanation ! Pensons plutôt règles et comportements car ici il y a, beaucoup à faire, éventuellement sans frais,
Nos réseaux sont en général assez simples : une voie unique, parfois en boucle, où circulent peu de trains à la fois, souvent un seul. Mais même dans le cas d’un seul train, des précautions de sécurité sont à observer, à plus forte raison dés l’instant où le conducteur du train n’est pas seul ou si le train se trouve sur le domaine public.
Un règlement de sécurité et d’exploitation définit la composition des trains, les règles de circulation, qu’un seul ou plusieurs trains soient en ligne, le rôle et la responsabilité des différents agents impliqués dans l’exploitation et la conduite à tenir en cas d’incident.
La composition des trains
Un train ne se compose pas seulement de un ou plusieurs engins tirant un ou plusieurs wagons. Il comporte aussi les agrès de sécurité que sont par exemple la plaque de queue ou le drapeau rouge. La règle de composition des trains peut aussi par exemple prévoir une place définie dans la rame pour certains véhicules.
Les règles de fonctionnement
Les principales définissent :
Le rôle et la responsabilité des agents
Chaque agent a une mission à accomplir : conduire le train, atteler le train, changer les aiguillages, contrôler les billets, etc. et à chaque fois
une double responsabilité : bien remplir sa mission et ne pas faire prendre de risque aux autres. Pour cela, il doit déjà ne pas en prendre lui-même.
Le conducteur est aussi responsable de la manière dont il conduit que de l'état de sa machine. Ainsi par exemple un conducteur, aussi discipliné et habile soit-il est un mauvais conducteur si il part avec un train alors que les freins de sa machine sont si déréglés et inefficaces qu'il est obligé de compter sur le chef de train pour assurer le freinage du train !! Il devait avant le départ soit régler ses freins (quitte à être en retard dans sa préparation) soit partir avec une autre machine.
Un atteleur qui utilise une maille fissurée pour atteler un train au lieu d'en chercher une autre est aussi coupable que celui qui attelle mal et dont le train se décroche…
Un bon règlement prévoit aussi qui reçoit des ordres de qui : le conducteur de son chef de train et de lui seul, le chef de train du chef d'exploitation…et chacun doit s'assurer qu'il reçoit bien les ordres de la personne qui doit les lui donner.
Pour que tout fonctionne parfaitement et sûrement, il faut aussi que soit défini à l'avance qui fait quoi et quand ! Cela s'appelle : organiser l'exploitation.
Tant que l'on se cantonne à un schéma d'exploitation simple à un seul train ou bien si on roule toujours dans le même sens sur un cercle les choses sont assez simples, bien qu'il faille organiser un système de cantonnement quand il y a plusieurs trains sur le cercle comme à Chemnitz par exemple. Dès l'instant où on veut organiser une exploitation à plusieurs trains il n'y a plus que 2 solutions possible.
La première, j'en ai vécu une forme à Francfort cette année. De nombreux trains ont circulé simultanément sans problème parce que chacun est resté calme et patient en attendant les ordres et que personne n'a pris d'initiative. Un chef d'exploitation savait en permanence quels étaient les trains formés et où ils étaient. Placé au centre du réseau avec un préposé aux aiguillages, il était en liaison radio permanente avec les 3 extrémités du réseau et les mécaniciens recevaient par radio du chef d'exploitation des ordres de mouvement pour parcourir une portion donnée de la ligne. A l'issue de ce parcours, ils recevaient de nouvelles instructions. Ces 4 jours d'exploitation se sont déroulés sans la moindre anicroche dans le calme et la bonne humeur. La ligne étant intégralement en palier, ni les machines ni les équipes n'eurent de difficulté. Cette méthode qui laisse au chef d'exploitation une grande marge d'improvisation est extrêmement souple et permet de s'adapter facilement à tous les imprévus. Cependant, elle ne fonctionne que si les communications sont parfaites (des ordres mal compris ou une confusion entre les trains de la part du chef d'exploitation pourraient poser des problèmes) tout comme la discipline. Elle ne me semble pas applicable telle quelle à toutes les exploitations et à tous les réseaux.
Ici par exemple, certains parcours nécessitent de compléter les approvisionnements, surtout en eau, avant le départ et une préparation particulière du feu pour que la machine puisse fournir l'effort demandé au bon moment sans nuire trop au confort des voyageurs, ce qui ne peut se faire instantanément. Il est nécessaire que les équipes sachent à l'avance ce qu'elles vont avoir à faire.
Nous utilisons donc la deuxième solution que certains d'entre vous ont même déjà pu expérimenter ici : celle d'un horaire et d'un graphique de circulations précis, distribués à toutes les équipes, tous les chefs de train et respecté scrupuleusement.
A l'examen de cet horaire et de ce graphique chacun sait parfaitement où se trouvent les autres trains, qui il va rencontrer ou croiser en route, où et à quelle heure. Il est évident que si je pars d'un endroit donné parce qu'il est l'heure sans avoir rencontré le train que je devais y croiser, je vais au devant d'un accident. Ce système autant que l'autre impose un respect strict des consignes mais dans ce système, chacun sait à l'avance tout ce qu'il aura à faire et peut s'organiser pour y arriver.
On en revient cependant encore à la notion que pour circuler sans problème il faut une règle, l'horaire et le graphique dans ce cas, et qu'il faut la respecter parfaitement.
Mais, la sécurité ce n'est pas seulement un règlement, un horaire, ce sont aussi des gestes, des habitudes, des automatismes qu'il faut acquérir et entretenir et aussi un état d'esprit.
Cette acquisition passe d'abord par la connaissance parfaite du règlement parce qu'il prévoit outre les gestes et les comportements que chacun doit respecter, la conduite à tenir si un événement fortuit se produit obstacle sur la voie, détresse ou pire, dérive.
Cette acquisition passe aussi par la pratique car c'est la seule manière d'arriver à faire d'instinct le bon geste de la bonne manière quelles que soient les circonstances. Guider un accostage, faire un attelage sont des gestes qui paraissent simples à effectuer. Il faut pourtant un certain entraînement pour guider juste un accostage. C'est aussi la pratique qui va nous permettre de sentir tout de suite si il se passe quelque chose d'anormal, une vitesse excessive par exemple ou trop faible qui est le signe de difficultés rencontrées par le mécanicien. Le chef de train pourra alors venir à son aide sans qu'il n'ait besoin de le demander et avant que la situation ne s'aggrave. C'est aussi la pratique de la conduite en conditions difficiles (rail humide par exemple) qui va permettre d'acquérir les réflexes nécessaires à la maîtrise de la progression du train… même si la "recette" se trouve dans le "règlement de conduite" qui, bien sûr, est su "par cœur" .
La sécurité, ne concerne pas seulement les exploitants, elle s'applique aussi au public. Bien sûr il incombe à l'exploitant de prendre, par l'état de son matériel et par son utilisation, toutes les mesures nécessaires pour la sécurité du public, mais il lui incombe aussi de faire le nécessaire auprès du public pour qu'il ne mette pas lui-même sa sécurité en jeu. Chaque agent doit toujours avoir présent à l'esprit que le public ne se rend pas toujours compte des risques qu'il prend et garder un œil vigilant sur ce que font ceux qui sont dans le train et ceux qui sont autour.
La sécurité, ce doit être un état d'esprit : ne rien faire ou laisser faire qui présente un risque pour moi-même ou pour les autres.
Il ne faut cependant pas oublier que ce que nous venons chercher dans cette activité c'est du plaisir, de l'amitié, de la passion et du partage, ce qui se fait bien mieux à voie étroite qu'en voie normale. Soyons bien sûr obsédés par la sécurité, mais faisons le avec le sourire et pour employer un mot moderne avec convivialité, c'est à mon sens ce que notre public attend de nous pour nous soutenir avec chaleur et pourquoi pas sauter le pas et se joindre à nous car je suis persuadé que nous avons tous des problèmes de recrutement……de bénévoles bien sûr !
Je vous remercie de votre attention.
Jean-Pierre VANHAECKE
Vice-Président de l'APPEVA